« Des yeux aux yeux ».
Sur l’exposition « Iles » de François Génot. Moulin de la Blies, Sarreguemines, 2009.

Qu’est-ce qui s’est passé, là ?
Qu’est-ce qui est passé, dans cet acte créateur ?
Interroger un acte.
Chaque fois, François Génot renouvelle un acte, un agir sur. La Nature.
François Génot ne doit pas être situé dans la tradition platonicienne : avoir une idée préconçue du Beau et l’imposer à la matière.
Dans sa démarche, le matériau est premier.
Matériau : la Nature, déclinée en : herbes et autres fouillis végétaux ; bois, entremêlés ; neige, feuilles et traces ; no man’s land …
No
Man
Land

Acte premier : voir.
Repérer, dans la vastitude de l’espace naturel, le détail que lui, voit. Lui : l’artiste.
Le traitement du détail s’opèrera ensuite sur des modes différents : le dessin ; la peinture ; ou bien comme ici, dans l’exposition « Iles », la transformation en une sorte de sculpture, objet de contemplation visuelle, en volume.
Les fragments d’éléments végétaux prélevés ont « subi » un traitement particulier : François Génot les a recouverts d’un enduit blanc, qui ressemble à du plâtre, mais il s’agit de céramique, blanche, d’où, parfois, un effet de brillance.
La Nature « subit »-elle ce traitement ?
Tout part, chez lui, d’une grande connaissance de la Nature, d’une sorte de soumission à ses lois, et plutôt que de la contraindre, il la sublime. En effet, ces fragments végétaux restitués en îlots blancs, autour desquels le spectateur peut tourner, acquièrent une beauté extraordinaire qui revient à la Nature elle-même par un lien double, avec la neige, ou avec les coraux.
Brouillage de frontières : « vraie » ou « fausse » matière ? Neige ou enduit ? Terre ou fond des mers ? On va d’un œil sur la Nature à la Nature rendue, démultipliée, par un agir sur, respectueux de ce qui a été donné, premier, dans la vision.

Dès lors que ces « îles » ont été posées, imposées à la vision d’autrui, dans leur être-là, elles deviennent prétexte au départ enchanté.
Une scénarisation habile : entrée dans un lieu clos, noir, silencieux, et un éclairages tombant du haut, par touches fragmentées, sur les « îles », permettent l’entrée dans un mystère.
Voyage initiatique au cœur du végétal sublimé. Tout dit : regardez ! Toucher est interdit ( distance entre la matière, vraie, et la matière, traitée, devenue « art » ).
La suite n’appartient plus à l’artiste : il a ouvert la porte du monde végétal, offert un champ d’exploration à l’imaginaire, car tout devient possible à celui qui sait, qui veut voir. Ces fouillis végétaux mêlés de blanc, d’ombre, et de lumière, se prêtent à toutes les interprétations. Surgissement d’ »îles », de forêts en hiver, de fond des mers, sans compter les monstres, et les cathédrales, ou les silhouettes élancées de danseuses …

Car belle est la Nature première.
Beau le geste du créateur.
Humble.

Ici l’artiste reçoit et redonne, avec un effet de magie qui sublime la chose prélevée à l’état premier. Des yeux aux yeux, la beauté ( sans le « B » majuscule de l’Idéal ) s’est déployée.

Jean-Michel BLOCH. Le 6 – 12 – 09.

 

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